Renonciation à un contrat d’assurance vie ou de capitalisation et mauvaise foi ou abus de droit : évolution de la loi et de la jurisprudence

Depuis le 1er juillet 1981, date d’entrée en vigueur de la loi no 81-5 du 7 janvier 1981, toute personne physique qui a signé un bulletin de souscription ou une demande d’adhésion à un contrat d’assurance vie (et, depuis le 19 juillet 1992, date d’entrée en vigueur de la loi no 92-665 du 16 juillet 1992, toute personne physique qui a signé un contrat de capitalisation) a la faculté d’y renoncer pendant un délai de trente jours :

  • à compter du premier versement si le contrat a été conclu avant le 1er mars 2006 ;
  • à compter du moment où elle est informée que le contrat est conclu (généralement par la réception des conditions particulières ou du certificat d’adhésion portant la signature de l’assureur) si le contrat a été conclu à partir du 1er mars 2006 (en vertu de l’article 4 de la loi no 2005-1564 du 15 décembre 2005, entré en vigueur le 1er mars 2006).

Par ailleurs, en cas de défaut de remise par l’assureur d’une documentation contractuelle respectant le formalisme informatif prescrit par le code des assurances, le délai de renonciation est prorogé :

  • si le contrat a été conclu avant le 1er mars 2006, jusqu’au trentième jour suivant la date de remise effective d’une documentation conforme, laquelle n’intervient le plus souvent jamais (ou de manière irrégulière), si bien que la personne dispose alors en fait d’un délai de renonciation illimité ;
  • si le contrat a été conclu à partir du 1er mars 2006, jusqu’au trentième jour suivant la date de remise effective d’une documentation conforme également, mais dans la limite de huit ans à compter de la date où le souscripteur est informé que le contrat est conclu (en vertu de l’article 4 de la loi no 2005-1564 du 15 décembre 2005, entré en vigueur le 1er mars 2006).

Qu’elle intervienne dans les trente premiers jours ou bien plus tard par l’effet de la prorogation du délai, la renonciation entraîne la restitution par l’assureur de l’intégralité des sommes versées.

Ainsi, la personne qui renonce à un contrat d’assurance vie ou de capitalisation dont la valeur de rachat est inférieure au total des sommes versées (versement initial et éventuels versements complémentaires), se voit restituer les sommes investies, si bien que la perte en capital est supportée par l’assureur qui a manqué à son obligation d’information.

Ce mécanisme légal, initialement codifié dans le seul article L. 132-5-1 du code des assurances, se trouve aujourd’hui exposé aux articles L. 132-5-1, L. 132-5-2 et L. 132-5-3.

Lorsqu’une personne exerce sa faculté prorogée de renonciation à un contrat d’assurance vie ou de capitalisation affichant une perte en capital, son assureur lui oppose systématiquement un refus en l’accusant de faire montre de mauvaise foi ou de commettre un abus de droit.

Devant les tribunaux et les cours, les souscripteurs expliquent que, n’ayant pas reçu toutes les informations dans les formes requises par le code des assurances, ils n’ont pas pu avoir une bonne appréhension des mécanismes de leur contrat, tandis que les assureurs rétorquent que, même dans une forme autre que celle prescrite par le code, toutes les informations sont contenues dans la documentation contractuelle, et que ces derniers ne renoncent à leur contrat que pour ne pas avoir à subir une perte financière à laquelle ils se savaient exposés.

Pour une bonne compréhension de la jurisprudence de la Cour de cassation qui va être résumée dans cet article, il est utile de rappeler avec l’éminent Professeur Philippe Stoffel-Munck, auteur d’une thèse sur « l’abus de droit dans le contrat », que l’abus recouvre :

  • l’ « abus par déloyauté », défini par la faute de malignité contraire à la bonne foi du contractant dans l’exercice d’un droit, qui est sanctionné par les règles de la responsabilité civile (action en paiement de dommages et intérêts pour faute du contractant ayant causé un préjudice à l’assureur) ;
  • l’ « abus de prérogative », limite à la force obligatoire d’un dispositif, qui constitue un abus de droit par détournement de la finalité du droit.

Arrêts de la Cour de cassation du 7 mars 2006 : l’exercice de la faculté de renonciation prorogée ne requiert pas la bonne foi de l’assuré

La Cour de cassation a été amenée à se prononcer pour la première fois sur la question de la mauvaise foi dans deux arrêts du 7 mars 2006 (Cass. civ. 2e, 7 mars 2006, Axa France Vie c/ M. et Mme V., pourvois nos 05-10.366 et 05-10.367 : Bull. civ. II, n° 63, p. 57 ; Cass. civ. 2e, 7 mars 2006, La Mondiale Partenaire c/ S., pourvoi no 05-12.338 : Bull. civ. II, n° 63, p. 57), la question de l’abus de droit ayant été également posée dans l’affaire qui a donné lieu au second de ces arrêts.

Dans la première affaire, l’assureur soutenait que l’assuré manquait à l’exigence de bonne foi en renonçant à son contrat, alors qu’il avait procédé à des opérations d’arbitrage, de rachat partiel et d’avance, ce qui démontrait sa compréhension et sa maîtrise parfaites des mécanismes contractuels, de sorte que l’information omise ne lui avait pas fait défaut.

Dans la seconde affaire, l’assureur, dans son pourvoi, exposait :

  • également que l’assuré manquait à l’exigence de bonne foi en renonçant, deux ans après sa conclusion, à un contrat dont il avait, selon lui, une compréhension et une maîtrise parfaites ;
  • mais aussi que la finalité du droit de renonciation est la protection du souscripteur contre un engagement inconsidéré, pris sans que son consentement ait été suffisamment éclairé, et que caractérise un détournement des dispositions de l’article L. 132-5-1 du code des assurances et un exercice abusif du droit de renonciation l’exercice par le souscripteur de ce droit aux seules fins de faire supporter par l’assureur les conséquences financières de ses choix boursiers.

La Cour de cassation a rejeté le pourvoi des assureurs en énonçant :

  • qu’il résulte de l’article L. 132-5-1 du code des assurances, d’ordre public, que « l’exercice de la faculté de renonciation prorogée ouverte de plein droit pour sanctionner le défaut de remise à l’assuré des documents et informations énumérés par ce texte est discrétionnaire pour l’assuré dont la bonne foi n’est pas requise » ;
  • que, par les dispositions de cet article, « le législateur a entendu contraindre l’assureur à délivrer au souscripteur une information suffisante » et a choisi d’assortir cette obligation d’une sanction automatique, dont l’application ne peut donc être modulée en fonction des circonstances de l’espèce.

Cette jurisprudence a été réaffirmée à maintes reprises.

Par ailleurs, dans un autre arrêt, la Cour de cassation a précisé que « la seule condition mise par l’article L. 132-5-1 du code des assurances pour pouvoir renoncer au contrat » est d’avoir la « qualité de “personne physique” […] sans qu’il y ait matière à faire une distinction entre la personne physique avertie ou profane ». En l’espèce, l’intéressé était un professionnel de la finance et de l’assurance (Cass. civ. 2e, 4 févr. 2010, pourvoi no 09-10.311, Swisslife assurance et patrimoine c/ G.).

Arrêt de la Cour de cassation du 28 avril 2011 : arrêt isolé ou prophétique ?

Dans un arrêt du 28 avril 2011 (Cass. civ. 2e, 28 avr. 2011, pourvoi no 10-16.184, Private Estate Life c/ M.), étonnamment peu exploité par les assureurs, la Cour de cassation, alors même que le pourvoi de l’assureur était fondé sur la seule notion de mauvaise foi, à l’exclusion donc de celle d’abus de droit, a certes rappelé sa jurisprudence selon laquelle la bonne foi n’est pas requise, mais a également accepté le principe que la faculté de renonciation prorogée puisse constituer un abus de droit, même si elle a refusé de considérer que, dans l’espèce qui était soumise à son examen, l’abus de droit était caractérisé, faute pour l’assureur d’en faire la démonstration :

« Et attendu que l’arrêt retient, par motifs adoptés, que l’assureur ne démontre pas en quoi l’usage d’une sanction automatique a pu dégénérer en abus de droit. »

En l’occurrence, après avoir souscrit, entre 1994 et 1999, quatre contrats d’assurance vie « Wylymac » et un contrat d’assurance vie « Pharos » auprès de la société Paneurolife, renommée Private Estate Life en 2007, le titulaire de ces contrats avait souscrit, en l’an 2000, auprès du même assureur, un second contrat « Pharos ».

Environ quatre ans plus tard, ce souscripteur avait notifié à l’assureur sa décision de renoncer à ce dernier contrat uniquement.

Devant la cour d’appel, l’assureur avait plaidé le détournement de la finalité du droit caractérisant un abus de droit de la part de son client, qu’il qualifiait de personne avertie, au motif que ce dernier avait décidé de ne renoncer, en pure opportunité, qu’à celui de ses contrats qui était en perte.

La cour d’appel avait considéré que, « si l’appelante rappelle justement qu’un simple détournement de la finalité du droit peut caractériser un abus de droit, hors même toute intention de nuire, c’est tout aussi justement que Monsieur M. rétorque que s’il n’a exercé sa faculté de renonciation qu’en octobre 2004, dans le cadre du seul contrat d’assurance vie dont la cour a à connaître, c’est en raison de la défaillance première de l’assureur qui s’est affranchi de son devoir d’information pré-contractuelle et a pris le risque qui s’est réalisé en octobre 2004 » (Paris, pôle 2 – ch. 5, 27 oct. 2009, NO R.G. : 07/15260, Private Estate Life c/ M.).

Contrôlant la notion d’abus de droit, la Cour de cassation a jugé que la démonstration d’un abus de droit, et donc d’un détournement de la finalité du droit, n’était pas rapportée (ce qui signifie sans équivoque que l’existence d’un abus de droit ne peut s’induire d’une violation seulement formelle de l’obligation d’information précontractuelle de l’assureur et de l’existence d’une perte en capital sur le contrat auquel le souscripteur renonce).

Infléchissement législatif

La loi no 2014-1662 du 30 décembre 2014, entrée en vigueur le 1er janvier 2015, a réécrit l’article L. 132-5-2 du code des assurances, qui prévoit depuis que le défaut de remise des documents et informations précontractuels entraîne, « pour les souscripteurs de bonne foi », la prorogation du délai de renonciation prévu à l’article L. 132-5-1.

Cette nouvelle version de l’article L. 132-5-2 du code des assurances, qui réserve le bénéfice de la prorogation du délai de renonciation aux seuls souscripteurs de bonne foi, ne s’applique qu’aux contrats conclus à partir du 1er janvier 2015 (Paris, pôle 5 – ch. 6, 12 déc. 2018, NO R.G. : 16/09865, R. c/ BNP Paribas et Generali Vie).

Revirement de jurisprudence de la Cour de cassation du 19 mai 2016 : l’exercice de la faculté prorogée de renonciation peut dégénérer en abus

Le 19 mai 2016, la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence en rendant, au visa des articles L. 132-5-1 et L. 132-5-2, quatre arrêts de principe (Cass. civ. 2e, 19 mai 2016, pourvoi n15-12.767, Cardif Lux Vie c/ M. et Mme L. : Bull. civ. II ; Cass. civ. 2e, 19 mai 2016, pourvoi no 15-12.768, Cardif Lux Vie c/ D. et Adea Project ; Cass. civ. 2e, 19 mai 2016, pourvoi no 15-18.690, Inora Life Limited c/ B. ; Cass. civ. 2e, 19 mai 2016, pourvoi no 15-18.691, Inora Life Limited c/ L.) qui énoncent :

« Attendu que si la faculté prorogée de renonciation prévue par le second de ces textes en l’absence de respect, par l’assureur, du formalisme informatif qu’il édicte, revêt un caractère discrétionnaire pour le preneur d’assurance, son exercice peut dégénérer en abus ;

« Et attendu que ne saurait être maintenue la jurisprudence initiée par les arrêts du 7 mars 2006 (2e Civ., 7 mars 2006, pourvois no 05-10.366 et 05-12.338, Bull. II, no 63), qui, n’opérant pas de distinction fondée sur la bonne ou la mauvaise foi du preneur d’assurance, ne permet pas de sanctionner un exercice de cette renonciation étranger à sa finalité et incompatible avec le principe de loyauté qui s’impose aux contractants ; »

Comment savoir si une renonciation à un contrat d’assurance vie ou de capitalisation est abusive ?

Deux des arrêts de la Cour de cassation du 19 mai 2016 (Cass. civ. 2e, 19 mai 2016, pourvoi n15-12.767, Cardif Lux Vie c/ M. et Mme L. : Bull. civ. II ; Cass. civ. 2e, 19 mai 2016, pourvoi no 15-12.768, Cardif Lux Vie c/ D. et Adea Project) précisent que les juges du fond doivent rechercher, au regard de la « situation concrète » du souscripteur, la finalité de l’exercice de son droit de renonciation en tenant compte :

  • de sa « qualité d’assuré averti ou profane » ;
  • des « informations dont il disposait réellement ».

Se posent donc quatre questions :

  • (i) est-ce à l’assureur de prouver l’abus, ou au souscripteur de prouver l’absence d’abus ?
  • (ii) quelle est la finalité de la faculté prorogée de renonciation, dont le détournement constituerait un abus de droit ?
  • (iii) pour rechercher l’existence d’un éventuel abus, faut-il se placer au jour de la conclusion du contrat ou au jour où est exercée la faculté prorogée de renonciation ?
  • (iv) sur la base de quels éléments peut-on dire qu’une personne est avertie ou profane et qu’elle a disposé ou non des informations utiles ?

(i) Qui de l’assureur ou du souscripteur a la charge de la preuve ?

En vertu de l’article 9 du code de procédure civile, « il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention » ; l’assureur qui prétend que le souscripteur commet un abus doit donc le prouver. De plus, conformément à l’article 2274 du code civil, « la bonne foi est toujours présumée, et c’est à celui qui allègue la mauvaise foi à la prouver ».

Ainsi, selon une jurisprudence absolument constante, l’assureur supporte la charge de la preuve de la déloyauté de l’assuré dans l’exercice de sa faculté de renonciation et doit, au-delà de considérations d’ordre général, démontrer que ce dernier l’a détourné de sa finalité (Versailles, 16e ch., 27 sept. 2018, No R.G. : 17/04549, Inora Life c/ V. E. ; Paris, pôle 2 – ch. 5, 19 juin 2018, No R.G. : 17/09026, S. c/ Generali Vie).

Par ailleurs, la Cour de cassation a également rappelé que la preuve du détournement de la finalité du droit de renonciation incombe à l’assureur (Cass. civ. 2e, 13 juin 2019, pourvoi no 18-14.743, Generali Vie c/ Q. : Bull. civ. II).

(ii) Quelle est la finalité de la faculté prorogée de renonciation ?

La Cour de cassation a apporté des précisions sur la finalité de la faculté prorogée de renonciation de l’article L. 132-5-1 du code des assurances à l’occasion de l’examen, pour transmission éventuelle au Conseil constitutionnel, d’une question prioritaire de constitutionnalité.

En l’espèce, des souscripteurs contestaient la constitutionnalité de la portée effective que l’interprétation jurisprudentielle de la Cour de cassation, constante depuis le 19 mai 2016, confère aux articles L. 132-5-1 (ancien) et L. 132-5-2 (ancien) du code des assurances.

Par deux arrêts du 27 avril 2017 (Cass. civ. 2e, 27 avr. 2017, pourvoi no 17-40.027 ; Cass. civ. 2e, 27 avr. 2017, pourvoi no 17-40.028), qui ont dit n’y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel cette question prioritaire de constitutionnalité, la Cour de cassation a énoncé que « l’exercice de la faculté prorogée de renonciation prévue à l’article L. 132-5-1 du Code des assurances dans sa rédaction issue de la loi no 94-5 du 4 janvier 1994 en l’absence de respect par l’assureur du formalisme informatif édicté par ce texte répond à l’objectif de protection des consommateurs en leur permettant d’obtenir les informations nécessaires pour choisir le contrat convenant le mieux à leurs besoins pour profiter d’une concurrence accrue dans un marché unique de l’assurance ».

Elle a ajouté que la renonciation doit voir ses effets préservés « lorsqu’elle est exercée conformément à sa finalité par un souscripteur qui, insuffisamment informé, n’a pas été en mesure d’apprécier la portée de son engagement ».

A contrario, « l’abus de droit, qui conduit à priver d’efficacité une renonciation déjà effectuée, et dont la preuve incombe à l’assureur, est établi lorsque l’exercice de cette prérogative a été détourné de sa finalité par un souscripteur qui, suffisamment informé, a été en mesure d’apprécier la portée de son engagement » (Paris, pôle 2 – ch. 5, 24 sept. 2019, NO R.G. : 17/04608, X c/ Sogelife).

(iii) À quel moment apprécier l’abus ?

Pour la première fois dans un arrêt de principe du 28 mars 2019 (Cass. civ. 2e, 28 mars 2019, pourvoi no 18-15.612, Sogecap c/ M. et Mme J. : Bull. civ. II), la Cour de cassation, après avoir rappelé que l’exercice de la faculté prorogée de renonciation peut dégénérer en abus, a précisé, dans un chapeau, que « l’abus s’apprécie au moment où le preneur d’assurance exerce cette faculté ».

La Haute juridiction a confirmé par la suite que les juges du fond, pour écarter l’abus de droit, doivent constater que l’assuré, au regard de sa situation concrète et de sa qualité d’investisseur profane, n’était pas parfaitement informé des caractéristiques essentielles de l’assurance vie souscrite lorsqu’il a exercé son droit de renonciation, et que, dans ces conditions, il n’a pas détourné ce droit de sa finalité en en ayant fait usage dans le seul dessein d’échapper à l’évolution défavorable de ses investissements » (Cass. civ. 2e, 13 juin 2019, pourvoi no 18-14.743, Generali Vie c/ Q. : Bull. civ. II).

(iv) Quels critères retenir pour qualifier une personne d’avertie ou de profane et considérer qu’elle a réellement disposé ou non des informations essentielles ?

Depuis les arrêts de la Cour de cassation du 19 mai 2016, les juges du fond ont construit une jurisprudence dont il résulte que, contrairement à ce qu’affirment les assureurs :

  • il ne saurait être reproché au souscripteur de s’être fait assister par un avocat spécialisé ou de ne pas avoir manifesté, avant de renoncer à son contrat, une volonté d’en sortir, ces faits étant impropres à caractériser une instrumentalisation de l’exercice de la faculté de renonciation (Paris, pôle 2 – ch. 5, 12 juin 2018, No R.G. : 15/01003, E. c/ Barclays Vie) ;
  • l’assureur ne peut exiger du souscripteur la démonstration d’un défaut d’information qui lui aurait fait grief (Paris, pôle 2 – ch. 5, 24 sept. 2019, NO R.G. : 17/04608, X c/ Sogelife) ;
  • il doit être tenu compte de la formation initiale et de la profession du souscripteur pour apprécier si ce dernier a une expérience suffisante des marchés financiers (Cass. civ. 2e, 4 juill. 2019, pourvoi no 18-14.990, Inora Life c/ O.), étant précisé que, selon une jurisprudence constante, ne prédispose pas à avoir une telle connaissance le fait pour des souscripteurs de faire « partie “d’une catégorie socio-professionnelle supérieure” » (Paris, pôle 2 – ch. 5, 16 janv. 2018, No R.G. : 15/20376, Generali Vie c/ C.), l’esprit de la jurisprudence étant que « le niveau d’instruction ne se [confond] pas avec une compétence avérée en matière de produits financiers » (Versailles, 16e ch., 27 sept. 2018, No R.G. : 17/04549, Inora Life c/ V. E.) ;
  • le fait pour le souscripteur d’avoir procédé seul à des rachats partiels ou à des versements complémentaires ne suppose pas une connaissance particulière des mécanismes financiers de l’assurance vie (Cass. civ. 2e, 21 nov. 2019, pourvoi n18-22.515, Inora Life c/ A. ; Paris, pôle 2 – ch. 5, 2 avr. 2019, NR.G. : 18/02910, G. c/ La Mondiale Partenaire ; Versailles, 3e ch., 24 mai 2018, No R.G. : 16/04095, Oradea Vie c/ M. et Mme M.) ;
  • l’adhérente à un contrat d’assurance vie qui, en répondant à un questionnaire préétabli, a déclaré avoir déjà effectué des placements à risque, avoir bien compris le mode de fonctionnement du support et la nature des risques et moins-values qu’il peut engandrer, et ne pas souhaiter obtenir des informations complémentaires sur ce support, ne saurait être considérée, en raison de sa formation et de l’exercice de sa profession (assistante de direction dans l’espèce ayant donné lieu à l’arrêt référencé), comme une personne ayant une expérience en matière de fonctionnement des marchés financiers et une compréhension parfaite des caractéristiques financières de son contrat, alors que l’assureur n’a pas satisfait aux exigences d’information légales (Cass. civ. 2e, 4 juill. 2019, pourvoi no 18-14.990, Inora Life c/ O.).

En définitive, les cas avérés d’abus dans l’exercice de la faculté prorogée de renonciation ne concernent que les personnes ayant une solide expérience des placements financiers ainsi qu’une formation et une profession en rapport avec le monde de la finance.

Ainsi, la directrice financière d’une P.M.E. a pu être qualifiée de non profane en matière d’investissement (Cass. civ. 2e, 4 juill. 2019, pourvoi no 18-17.080, L. c/ Inora Life).

Pour sa part, la cour d’appel de Versailles a pu imposer à l’assureur plaidant l’abus de droit d’ « établir que l’assuré était au moment de la souscription du contrat mieux informé que l’assureur lui-même du manquement par ce dernier à son obligation d’information et qu’il n’aurait souscrit le contrat qu’en considération de la possibilité d’y renoncer ultérieurement » (Versailles, 16e ch., 27 sept. 2018, No R.G. : 17/04549, Inora Life c/ V. E. ; Versailles, 16e ch., 22 févr. 2018, No R.G. : 16/04878, Sogecap c/ T.).

Par conséquent, ce n’est pas parce qu’une personne est très fortunée qu’elle sera pour autant qualifiée automatiquement de personne avertie et jugée coupable d’abus.

Ainsi le cas d’une personne qui avait souscrit en juin 2006, auprès de la société Sogelife, un contrat d’assurance vie dénommé « Sogelife Personal Multisupports », sur lequel elle avait effectué des versements pour un montant total de 20 341 000 euros. Cette personne avait par ailleurs souscrit cinq jours plus tôt un contrat d’assurance vie auprès de la société La Mondiale Partenaire, sur lequel elle avait investi la somme de 6 000 000 euros.

Dans cette espèce, la cour d’appel de Paris a en effet jugé que le fait que ce souscripteur soit dirigeant de huit sociétés propriétaires d’un magasin hard discount de petite surface, ne le qualifiait pas de « connaisseur averti de produits financiers complexes », que « la connaissance générale de ce que ses placements pouvaient être soumis à des fluctuations affectant son capital est insuffisante, alors qu’il n’a pas reçu les informations essentielles explicitant les mécanismes de son contrat, pour dire que c’est en pleine connaissance de cause du fonctionnement de celui-ci et de la connaissance des titres souscrits qu’il a fait le choix du contrat litigieux », et que l’assureur ne rapportait donc pas la preuve des éléments constitutifs de l’abus de droit ; la mauvaise foi a été pareillement rejetée (Paris, pôle 2 – ch. 5, 24 sept. 2019, NO R.G. : 17/04608, X c/ Sogelife).

Voilà où nous en étions au 31 décembre 2019. N’hésitez pas à laisser un commentaire si vous avez besoin de quelques éclaircissements. En attendant, je vous souhaite une excellente année 2020 !

2 comments for “Renonciation à un contrat d’assurance vie ou de capitalisation et mauvaise foi ou abus de droit : évolution de la loi et de la jurisprudence

  1. Alice
    17 juin 2020 at 9 h 32 min

    Bonjour,
    J’avais également souscris à des contrats Valoptis, Primaduo et Fastuo auprès d’arca patrimoine dans le but d’épargner.
    Ces contrats ne correspondaient pas du tout au bout souhaité et comme pour des milliers de personnes l’information n’a pas été claire.
    Passer les 30 jours de la signature des contrats, je ne pouvais plus me rétracter.
    C’est dommage qu’il ne soit pas précisé qu’on a 8 ans pour y renoncer et que la loi fasse une différence entre les contrats signés avant 2006 et ceux signés après cette année.
    C’est une bonne chose que des personnes lésées ont pu obtenir réparation

    • Brice Cotteret
      17 juin 2020 at 19 h 39 min

      Chère Madame,

      Je vous remercie pour votre contribution. Je suis désolé que vos contrats aient été conclus à la fois après le 1er mars 2006 et il y a plus de huit ans.

      Cordialement,

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