Contrat Valoptis : FWU Life Insurance Lux S.A. condamnée par la Cour de cassation

Le 8 février 2006, M. A. a souscrit, par l’intermédiaire du courtier Arca Patrimoine (aujourd’hui dénommé Predictis), un contrat d’assurance vie en unités de compte dénommé Valoptis auprès de la société Atlanticlux Lebensversicherung S.A. (aujourd’hui dénommée FWU Life Insurance Lux S.A.).

Son contrat accusant une importante perte en capital alors qu’il pensait avoir choisi un produit permettant de faire fructifier son épargne, M.A., par l’intermédiaire du rédacteur de ces lignes muni d’un pouvoir spécial, a exercé sa faculté prorogée de renonciation, prévue par l’article L. 132-5-1 du code des assurances, afin de se voir restituer l’intégralité des sommes qu’il avait versées.

La société FWU Life Insurance Lux S.A. refusant de faire droit à sa demande, M. A. a été contraint de l’assigner devant le tribunal de grande instance de Paris, qui a condamné la société d’assurance à lui restituer l’intégralité des sommes versées sur son contrat.

Au cours de la procédure, la société FWU Life Insurance Lux S.A. a plaidé que M. A. ne pouvait renoncer à son contrat que dans le délai de 30 jours à compter du versement de sa première prime, et que ce délai ne s’était pas trouvé prorogé dès lors que, selon elle, son contrat respectait le formalisme informatif du code des assurances. Invoquant par ailleurs la jurisprudence de la Cour de cassation initiée par quatre arrêts du 19 mai 2016 (voir notre article sur cette jurisprudence), elle a ajouté que, quand bien même il serait jugé qu’elle a manqué à son obligation précontractuelle d’information, l’exercice par M. A. de la faculté prorogée de renonciation avait dégénéré en abus au motif que, selon elle toujours, M. A. est une personne avertie qui a reçu, même dans une forme autre que celle requise par le code, une information suffisante pour comprendre le fonctionnement et le risque du contrat.

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Si le tribunal de grande instance de Paris avait jugé que le contrat Valoptis souscrit par M. A. comportait plusieurs manquements au formalisme informatif, et que ce dernier n’avait commis aucun abus de droit, la cour d’appel de Paris, saisie par la société FWU Life Insurance Lux S.A., avait étonnamment considéré que ce même contrat ne comportait aucun manquement. La cour avait notamment affirmé que la note d’information du contrat Valoptis n’avait pas à préciser que ce dernier ne prévoyait ni frais et indemnités de rachat, ni taux d’intérêt garanti, ni garanties de fidélité, ni valeurs de réduction, ni participation aux bénéfices.

Saisie d’un pourvoi par M. A., la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 15 décembre dernier (Cass. civ. 2e, 15 déc. 2022, pourvoi no 21-15.980) :

  • rappelle qu’elle a déjà énoncé par le passé qu’ « il incombe à l’assureur, dans un tel cas, de mentionner dans la note d’information qu’il délivre que le contrat qu’il propose ne garantit à l’assuré aucun taux d’intérêt, ou aucune garantie de fidélité, ou aucune valeur de réduction ou de rachat, toutes informations essentielles pour permettre à celui-ci d’apprécier la compétitivité de ce placement, ainsi que les risques inhérents à l’investissement envisagé, par suite, la portée de son engagement » (Cass. civ. 2e, 11 mars 2021, pourvoi no 18-12.376) ;
  • ajoute qu’ « il en va de même pour un contrat qui ne comporte pas de frais ou d’indemnité en cas de rachat ni de participation aux bénéfices », oubliant par là même qu’elle l’avait déjà jugé s’agissant des frais et indemnités de rachat (Cass. civ. 2e, 16 déc. 2021, pourvoi no 19-23.907) ;
  • casse et annule l’arrêt de la cour d’appel de Paris en ce qu’il a considéré que l’absence d’information sur l’inexistence de frais et indemnités de rachat, de taux d’intérêt garanti, de garanties de fidélité, de valeurs de réduction et de participation aux bénéfices, était sans portée pour l’assuré, dès lors que l’absence de ces mentions ne saurait être considérée, d’après ladite cour d’appel, comme ayant compromis la compréhension par l’assuré des éléments essentiels du contrat ; censurant l’arrêt de la cour d’appel de Paris, la Cour de cassation juge au contraire que « le fait que le contrat proposé ne prélève pas de frais ou d’indemnités en cas de rachat, ni ne prévoit de taux d’intérêt garanti, de garanties de fidélité, de valeurs de réduction et de participation aux bénéfices était, pour l’assuré, une information essentielle, qui devait figurer dans la note d’information ».

Par cette décision, qui sera publiée au bulletin des arrêts de la Cour de cassation, la Haute juridiction :

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  • confirme donc sa jurisprudence sur l’obligation pour l’assureur de préciser dans sa note d’information, quand c’est le cas, que son contrat ne prévoit ni frais et indemnités de rachat, ni taux d’intérêt garanti, ni garanties de fidélité, ni valeurs de réduction ou de rachat ;
  • ajoute pour la première fois à cette liste la participation aux bénéfices.

Avec ce nouvel arrêt, la Cour de cassation semble vouloir installer cette jurisprudence, et même l’enrichir. En effet, elle aurait fort bien pu casser l’arrêt qui lui était déféré sur la base d’une branche du moyen du pourvoi de M. A. qu’elle n’a pas examinée, par exemple la douzième, qui lui aurait permis de réaffirmer le caractère limitatif de la liste des informations devant figurer dans la note d’information (Cass. civ. 2e, 8 déc. 2016, pourvoi n° 15-26.086).

D’ailleurs, le même jour, la Cour de cassation a rendu un second arrêt dans le même sens contre la société FWU Life Insurance Lux S.A. à propos de deux contrats, dont un contrat Valoptis souscrit le 10 mai 2005, dans une affaire qui avait donné lieu à un autre arrêt de la cour d’appel de Paris (Cass. civ. 2e, 15 déc. 2022, pourvoi no 21-14.859).

Cette jurisprudence initiée par la Cour de cassation avec son arrêt du 11 mars 2021 est également très intéressante pour ce qui concerne la question de l’exercice abusif de la faculté prorogée de renonciation à un contrat d’assurance vie ou de capitalisation. En effet :

  • par deux arrêts du 27 avril 2017, elle a énoncé que « l’exercice de la faculté prorogée de renonciation […] en l’absence de respect par l’assureur du formalisme informatif édicté […] répond à l’objectif de protection des consommateurs en leur permettant d’obtenir les informations nécessaires pour choisir le contrat convenant le mieux à leurs besoins pour profiter d’une concurrence accrue dans un marché unique de l’assurance » et que si, depuis le 19 mai 2016, sa jurisprudence constante « prive d’effet la renonciation exercée contrairement à sa finalité », elle « préserve les effets de cette renonciation lorsqu’elle est exercée conformément à sa finalité par un souscripteur qui, insuffisamment informé, n’a pas été en mesure d’apprécier la portée de son engagement (Cass. civ. 2e, 27 avr. 2017, pourvoi n17-40.027 ; Cass. civ. 2e, 27 avr. 2017, pourvoi n 17-40.028) ;

Autrement dit, si un contrat d’assurance vie ne prévoit ni frais et indemnités de rachat, ni taux d’intérêt garanti, ni garanties de fidélité, ni valeurs de réduction ou de rachat, ni participation aux bénéfices, et que la note d’information remise à l’assuré ne le mentionne pas, comment l’exercice par ce dernier de sa faculté prorogée de renonciation saurait-il être jugé abusif ?

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