Les contrats d’assurance vie ou de capitalisation à frais précomptés

I.- Les frais précomptés dans le code des assurances

Dans un contrat d’assurance vie ou de capitalisation à frais précomptés, le précompte consiste à calculer la totalité des frais d’acquisition du contrat, lesquels correspondent aux frais de commercialisation et aux commissions à verser aux apporteurs, sur la base de la totalité des versements que le souscripteur s’est engagé à effectuer pendant toute la durée du contrat, et à les prélever sur les premières primes uniquement, généralement celles versées les deux ou trois premières années, les primes suivantes ne donnant plus lieu à la perception de tels frais.

Ce mécanisme ne se rencontre évidemment que dans les contrats à versement unique ou à versements périodiques, puisque les contrats à versements libres ne permettent pas à l’assureur de connaître, dès la signature du bulletin de souscription, le montant total des primes qu’il encaissera jusqu’au terme fixé par le contrat ; pour ces derniers contrats, les frais d’acquisition sont donc prélevés au fur et à mesure sur chaque versement tout au long du contrat.

À titre d’illustration, le tableau ci-dessous compare l’évolution de la valeur de rachat de deux contrats d’assurance vie ou de capitalisation prévoyant le versement d’une prime annuelle de 100 euros durant 10 ans.

Dans un cas, des frais d’acquisition de 5 euros sont prélevés sur chacune des dix primes annuelles versées, si bien que la prime provisionnée chaque année est de 95 euros.

Dans l’autre cas, les frais étant précomptés, est prélevée sur la première prime annuelle l’intégralité des frais d’acquisition, soit la somme de 50 euros, si bien que la prime investie ne sera que de 50 euros la première année, mais de 100 euros les années suivantes.

Nombre d’années 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Frais imputés annuellement 95 190 285 380 475 570 665 760 855 950
Frais précomptés 50 150 250 350 450 550 650 750 850 950

Ce n’est donc que la dernière année du contrat que les valeurs de rachat se rejoignent. Mais, si l’on tient compte d’un taux de rendement annuel moyen du contrat de 5 %, le contrat à frais précomptés pâtira toujours du faible investissement de la première année, comme le montre le tableau suivant.

Nombre d’années 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Frais imputés annuellement 100 204 314 430 551 678 812 952 1 100 1 255
Frais précomptés 52 160 273 392 516 647 785 929 1 080 1 239

Si les contrats à frais précomptés ont facilité l’apparition de nouveaux réseaux de distribution et le développement du chiffre d’affaires des sociétés d’assurance vie, ils présentent des inconvénients non négligeables pour les épargnants. En effet, les premiers versements étant affectés pour une grande partie à la rémunération de l’apporteur et pour une faible partie seulement à l’investissement sur le support sélectionné, ces contrats affichent :

  • une très faible valeur de rachat les premières années (il n’est pas rare que les frais d’acquisition absorbent la totalité de l’épargne versée la première année), sans compter que les conditions générales du contrat interdisent souvent tout rachat tant que n’ont pas été versés 15 % des primes prévues au contrat ou tant que n’ont pas été payées deux primes annuelles au moins, si bien que le souscripteur est obligé, même s’il rencontre de graves difficultés financières, de continuer ses versements périodiques pour ne pas perdre l’intégralité de son épargne ;
  • un rendement très sensiblement altéré, le phénomène d’accumulation étant retardé.

En contrepartie, les souscripteurs de ces contrats à primes périodiques et à frais précomptés ont pu bénéficier :

  • d’une réduction de leur impôt sur le revenu égale à 25 % du montant de la fraction des primes représentative de l’effort d’épargne, dans la limite d’un plafond de 610 euros majoré de 150 euros par enfant à charge ;
  • parfois d’une prime versée par l’assureur s’ils avaient versé fidèlement des primes pendant plusieurs années.

Mais la technique des frais précomptés apparaissant de plus en plus déloyale et défavorable à l’épargnant, le législateur est intervenu à plusieurs reprises pour combattre cette pratique très contestable et moraliser le système :

  • d’abord, l’article 83 de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003, loi de finances pour 2004, a mis un terme à l’avantage fiscal évoqué ;
  • ensuite, dans un premier temps pour le seul PERP (plan d’épargne retraite populaire), la loi n° 2003-775 du 21 août 2003, portant réforme des retraites (plus précisément l’article 13 de l’arrêté du 22 avril 2004 pris en application du décret n° 2004-342 du 21 avril 2004, lui-même pris en application de ladite loi), a supprimé la possibilité pour l’assureur d’imputer les commissions (la partie des primes représentative des frais d’acquisition du contrat) sur la provision mathématique (c’est-à-dire sur la créance du preneur d’assurance ou du bénéficiaire à l’égard de l’entreprise d’assurance ou, plus simplement, sur la somme des primes versées diminuée de tous les frais) au-delà d’un maximum de 5 % ;
  • puis, dans un second temps, pour tous les contrats d’assurance vie et de capitalisation, l’article 13 de la loi n° 2005-1564 du 15 décembre 2005, entré en vigueur le 16 décembre 2007, a prévu, d’une part, que le précompte ne puisse en toute hypothèse amputer la valeur de rachat de plus de 5 % de la provision mathématique (articles L. 132-22-1 et L. 331-1 du code des assurances) et, d’autre part, que l’indemnité de rachat susceptible d’être retenue par l’assureur en cas de rachat, déjà limitée à 5 % de la provision mathématique du contrat (article R. 331-5 du code des assurances), ne puisse être appliquée qu’en l’absence de frais précomptés (article L. 331-2 du code des assurances) ;
  • enfin, d’une manière générale, depuis l’entrée en vigueur le 1er janvier 2015 de l’article 5 de la loi n° 2014-617, le montant des frais à l’entrée et sur versement au cours d’une année donnée ne peut excéder 5% du montant des primes versées cette même année (article L. 132-22-1 du code des assurances).

II.- Les frais précomptés dans les contrats de la société Atlanticlux

Atlanticlux Lebensversicherung S.A. est une société d’assurance vie luxembourgeoise, filiale à 100 % de la société allemande de prestation de services financiers FWU A.G., qui exerce en France en libre prestation de services.

Elle a vendu par le passé des contrats d’assurance vie dits « à frais précomptés », dont la valeur de rachat au terme de la première année était carrément nulle, par exemple :

  • le contrat MD Valor Epargne, distribué par la société de courtage MD Marketing Distribution ;
  • les contrats Eurolux Epargne et Valoptis, distribués par la société de courtage Arca Patrimoine.

En raison du précompte des frais d’acquisition, du prélèvement mensuel de frais de gestion et de la performance des supports d’investissement, ces contrats affichent souvent des valeurs de rachat bien inférieures aux sommes versées.

Les dossiers de souscription de ces contrats d’assurance vie n’étant pas conformes aux prescriptions du code des assurances, le souscripteur désireux de récupérer l’intégralité de son versement initial et de ses versements périodiques pourra utilement se prévaloir des lacunes de la documentation contractuelle remise pour renoncer à son contrat comme le permet l’article L. 132-5-1 du code des assurances.

Si les articles L. 132-22-1 et L. 331-1 du code des assurances ont permis d’en finir, pour l’avenir, avec les contrats d’assurance vie ou de capitalisation à frais précomptés, l’article L. 132-5-1 doit nous permettre d’en finir, pour le passé, avec ces mêmes contrats.

2 comments for “Les contrats d’assurance vie ou de capitalisation à frais précomptés

  1. D.
    12 mai 2020 at 13 h 08 min

    Bonjour,
    j’ai souscrit ce contrat EUROLUX EPARGNE en Décembre 2000.
    Durée 20 ans
    versement 8800€
    Valeur de rachat 2018 est 2 105,45€

    En 2016 j’ai adressé une demande de renonciation du contrat à Arca Patrimoine, aucune réponse de leur part.

    Est-ce que je pourrais engager une procédure judiciaire ?
    Actuellement au chomage je pourrais bénéficier d’une A.J.

    Merci de votre réponse
    Cordialement

    • Brice Cotteret
      17 juin 2020 at 20 h 09 min

      Cher Monsieur,

      Si le souscripteur d’un contrat d’assurance vie comportant au moins un manquement au formalisme informatif du code des assurances, peut renoncer à son contrat sans limite de temps dès lors qu’il l’a conclu avant le 1er mars 2006, il lui faut, dès lors qu’il a demandé à y renoncer et que son assureur ne lui a pas répondu positivement, agir en justice dans le délai de deux ans, voire cinq ans si les clauses des conditions générales du contrat sur la prescription biennale ne sont pas conformes au code des assurances.

      Cordialement,

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